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Rencontre, le 14 janvier 2017, avec Mgr Yousif Thomas Mirkis, à l'église Saint-Pierre

Par Bernard Bovigny

Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleimaniyeh dans le Kurdistan irakien, était l’invité de l’UP St-Joseph le samedi 14 janvier. Entre Strasbourg et Paris, il est venu témoigner à l’église St-Pierre à Fribourg de son engagement en faveur de la population locale et de ses convictions.

Des quelque 1,2 million de chrétiens installés dans le pays en 2013, les deux tiers l’ont quitté et le tiers restant aspire également à partir, affirme l’archevêque de Kirkouk. « Il ne faut pas vider l’Irak de ses richesses socio-culturelles. Et lorsqu’il arrive en Europe, le migrant irakien est dépaysé. La moitié de l’énergie qu’il déploie à s’adapter à votre société post-moderne, il devait l’employer au service de son pays », lâche-t-il, avant d’inviter la Suisse, qui connaît « quatre peuples, quatre langues et plusieurs religions et pourtant est devenu un des pays les plus pacifiques et les plus riches du monde » à aider d’autres nations dans leur recherche vers un équilibre politique et social.

Convaincu que c’est en restant au pays que les chrétiens, notamment, pourront contribuer à reconstruire l’Irak, Mgr Mirkis accueille des étudiants qui ont fui leurs régions en guerre, entre autres la ville de Mossoul tombée aux mains de l’Etat islamique. De 70 étudiants en 2014, ils étaient 400 l’année suivante, puis 668 en 2016, de toutes appartenances religieuses. En accueillant 700'000 réfugiés en 2 ans, pour passer de 1,5 million à 2,2 millions d’habitants, Kirkouk a été complètement débordée au niveau de ses institutions. « L’université de Mossoul a déménagé à Kirkouk, d’où l’afflux d’étudiants », explique l’archevêque chaldéen. Les gestes de solidarité aidant, il est parvenu à financer leur accueil, qui se monte à 2'000 frs par étudiant et par an. Et sans luxe : que des lits dans les chambres. Le dessous sert aux rangements et le dessus à dormir ou travailler.

D’autres besoins se font également ressentir. Par exemple, l’exode des jeunes a isolé bon nombre de personnes âges, livrées à elles-mêmes. Le prochain projet, soutenu par des associations comme « Aux porteurs de lumière » en Alsace, consistera à bâtir à Kirkouk une maison d’accueil pour les aînés, avec une aile qui abritera des classes d’enfants, afin d’éviter de créer des ghettos.

Interrogé sur les solutions politiques à apporter, Mgr Mirkis se montre prudent : il ne veut pas donner de leçons aux autorités, mais souhaite que s’établisse une véritable démocratie. La coalition qui s’est enfin formée pour contrer l’Etat islamique est perçue par lui comme un signe d’espoir. « Ces fanatiques font feu de tout bois et il faut absolument les arrêter. L’extrémisme a pris des proportions planétaires, il faut éviter que cela devienne un conflit mondial », affirme-t-il, tout en mettant en garde contre les amalgames : « Ce sont les fanatiques qu’il faut viser, que ce soit en Irak ou en Europe, et non les musulmans ». En voyant que les projets de Mgr Mirkis touchent même davantage de musulmans que de chrétiens, minoritaires dans la région, les non chrétiens s’étonnent : « Pourquoi faites-vous cela ? »